Education : les défis qui attendent Emmanuel Macron et Gabriel AttalEliot Blondet/ABACAPRESS.COMabacapress
Le président et le ministre de l'Education sont partout en cette rentrée, et pour cause : nombre de débats restent à discuter, déterminants pour relever le secteurs.
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C’est peu dire que la rentrée aura été politique. Alors que l’été s’attarde encore sur la France, l’exécutif n’a pas attendu les dernières chaleurs pour entamer sa rentrée. Si les derniers mois de printemps s’étaient placés sous le signe hautement conflictuel des retraites, voilà que le gouvernement s’engouffre dans la brèche de l’Education, autre secteur décrit comme “sinistré” par de nombreux observateurs, tant au niveau des ressources financières qu’humaines. Les enjeux sont grands. Pêle-mêle : améliorer l’apprentissage en classe, booster l’attractivité du métier pour les candidats à l’enseignement, et lutter contre la délinquance et le harcèlement.

Le président de la République n’a pas attendu le lundi 4 septembre pour passer la seconde sur les sujets éducatifs : depuis août il multiplie les déclarations sur le report des dates du Bac à juin, la refonte des programmes scolaires en histoire et instruction civique, la rentrée en août… Une verve qui ne tient pas vraiment de la surprise, puisqu’Emmanuel Macron déclarait déjà le 23 août dans un entretien au Point  “compte tenu des enjeux, l’Education fait partie du domaine réservé du président”. L’école, “c’est le cœur de la bataille que l’on doit mener, parce que c’est à partir de là que nous rebâtirons la France”, insistait-il. Après la mère des batailles macronienne, la réforme des retraites, nous voici donc dans le cœur des batailles, et il saigne. Une majorité des Français estiment que le système éducatif se dégrade, selon un sondage Ipsos publié le 4 septembre. Alors l’exécutif a sorti les pansements en ce jour de rentrée, sur le plateau de Quotidien pour Gabriel Attal, ou face au youtubeur Hugo décrypte, plébiscité par les jeunes, pour Emmanuel Macron.

Trouver des enseignants 

Préoccupation majeure de l’exécutif : le manque d’enseignants. Alors que le gouvernement avait promis un enseignant devant chaque classe pour le 4 septembre, le ministre de l’Education nationale Gabriel Attal a admis au soir de la rentrée qu'il manquait encore des professeurs dans les collèges et les lycées français dans "certaines disciplines"."Tout le travail que l'on va avoir dans les prochaines semaines, c'est de combler tout ça", a-t-il concédé. Mais, selon le ministre, "la rentrée s'est passée dans de meilleures conditions que l'année dernière parce qu'il y avait moins de postes à pourvoir". Combien manque-t-il d’enseignants ? Le nombre n’est pas dit, mais en juillet dernier, le prédécesseur de Gabriel Attal, Pap Ndiaye, annonçait que 3100 postes dans l'Éducation nationale n'étaient pas pourvus au concours de 2023. Selon Gabriel Attal, ce nombre ne comprend pas les contractuels, plus nombreux que les années précédentes.

Le ministre planche déjà sur la “formation intégrée” dès l’après-bac, demandée le 1er septembre par Emmanuel Macron, qui veut permettre aux jeunes d’être formés plus tôt à ce métier.  En recrutant post-bac, “on limite l’un des phénomènes qu’on a aujourd’hui, qui parfois crée de la frustration et qui est à mon avis sous-efficace, c’est-à-dire d’avoir certains de nos enseignants qui rentrent après un cursus universitaire qui est totalement disproportionné et parfois décorrélé avec ce qu’ils vont faire”, estime-t-il. Le président a déjà indiqué avoir demandé au ministre de “travailler” à ce dispositif “dans les mois qui viennent”, pour “qu’on puisse le monter au printemps et le déployer”. Mais, tempère le président, “c’est un sujet à mèche lente. On obtient des résultats à l’échelle d’une décennie”. 

La Laicité, débat de la rentrée

Autre brulôt de la rentrée, édition 2023 :  le sujet de la laicité à l’école, remis sur la table avec fracas par l’annonce de l’interdiction de l’abaya. Devant Hugo Décrypte, le président est revenu sur cette décision qu’il explique en partie par les attentats terroristes et l’assassinat de Samuel Paty : “Nous vivons aussi dans notre société avec une minorité, des gens qui, détournant une religion, viennent défier la République et la laïcité”, a déclaré le chef de l’Etat. “Ça a parfois donné le pire”. Le président s’est immédiatement attiré les foudres d’une partie de l’opinion et de la classe politique de gauche, l’accusant d’un amalgame entre voile et terrorisme.

La vision de la laicité de l’exécutif a déjà connu des revers : en ce lundi de rentrée , 298 élèves sont venues avec l’abaya dans les établissements scolaires selon Gabriel Attal sur BFMTV ce mardi matin, et 67 ont refusé de l’enlever. Conformément à la nouvelle règle, les élèves concernées ont été renvoyées chez elles. "Dans les prochains jours, elles reviendront puisqu'elles doivent être scolarisées, et puis on verra si elles se sont conformées à la règle ou pas", a indiqu” Gabriel Attal. "Sinon, il y aura un nouveau dialogue. C'est comme ça qu'on va continuer à avancer". Gabriel Attal a également signé une lettre à destination des parents des personnes concernées pour leur "expliquer que la laïcité n'est pas une contrainte". Mais la discussion s’avère d’ores et déjà houleuse

Le port de l’uniforme

Pour éviter un débat sur la différence de traitement entre élèves, l’exécutif est tenté de miser sur l’uniforme scolaire, sujet qui affleure régulièrement dans le débat public. Le ministre de l'Education nationale souhaite "faire avancer [ce] débat" dans les prochains mois, a-t-il indiqué lundi sur RTL. "J'annoncerai à l'automne les modalités d'expérimentation qui nous permettront de tester" la tenue unique.

Sans y voir "une solution miracle qui permet de régler tous les problèmes de l'école", le ministre a expliqué rencontrer régulièrement, sur le terrain, des enseignants, des élus et des familles favorables à cette mesure. Le port de l'uniforme "mérite d'être testé", juge le ministre. C'est selon lui "le meilleur moyen de se faire une idée". Le ministre indique que les élus souhaitant que leurs établissements participent à cette expérimentation peuvent se signaler auprès du ministère de l'Education nationale. Cette expérimentation permettra d'évaluer "ce que ça permet en matière de restauration de l'autorité à l'école, d'élévation du niveau", estime Gabriel Attal. Emmanuel Macron a tenu un discours légèrement aplani ce lundi au micro d’Hugo Décrypte, se disant plutôt favorable à une ”tenue unique”. Sans avoir un uniforme, on peut dire "vous vous mettez en jeans, tee-shirt et veste", a-t-il fait valoir. “La question de la tenue unique est à mon avis plus acceptable, peut paraître un peu moins stricte d’un point de vue disciplinaire”, a-t-il ajouté. “Elle règle beaucoup de sujets (…) : un, la laïcité et deux, un peu l’idée qu’on se fait de la décence, c’est-à-dire on ne veut pas des tenues trop excentriques”, a-t-il encore souligné. “Je suis favorable à l’approche expérimentation, évaluation”.

La lutte contre la délinquance et le harcèlement 

Fin juin déjà, le président suggérait depuis Marseille la fermeture plus tardive des collèges dans les quartiers sensibles pour lutter contre la délinquance, qui a ébranlé certaines zones, notamment après la mort de Nahel. L’exécutif avait alors présenté l’accueil à l’école comme un rempart au déseuvrement d’une partie de la jeunesse. Le 23 août, il s’est de nouveau exprimé sur les rythmes scolaires, penchant cette fois pour une rentrée anticipée dès le 20 août pour les élèves en difficulté. Devant Hugo Décrypte, c’est cette fois au harcèlement que le président s’est attaqué, insistant sur le programme pHARe et a évoqué la possibilité d'une loi pour sanctionner les cyberharceleurs en les interdisant d'accès aux réseaux sociaux. En août déjà le gouvernement avait adopté une mesure pour changer d’établissement les élèves coupables de harcèlement. Avec entre 6 et 10 % des élèves qui subissent une forme de harcèlement, le défi est de taille.